Pour répondre à la question, il est d'abord un préalable nécessaire : quelle est la mission du pape ? "Affermis tes frères " (Luc 22, 32) a dit Jésus à l'apôtre Pierre. Il me semble que la mission du pape est d'affermir, d'encourager les disciples du Christ à marcher sur le chemin de l'Evangile : il sait le faire pour les choses spirituelles, mais aussi dans les questions très concrètes qui se posent dans la société contemporaine : écologie ; respect de la vie ; relations économiques entre pays ; migrations...
Les relations affectives sont un domaine où un discours péremptoire et magistériel semble exclu : le libre-arbitre, les choix personnels suffiraient à décider ce que je peux faire ou pas. Or, il est clair, surtout dans une société individualiste, que la subjectivité de la personne est en ce domaine souvent aveuglée par la passion, le désir, le besoin de tendresse ou de reconnaissance.
Lorsque le pape encourage à la fidélité, au respect de l'autre, à l'engagement dans un don total à l'être aimé, il ne fait que décliner de manière plus concrète le commandement de Jésus : "Aimez-vous les uns les autres." Le plus grand amour, depuis Jésus, nous le croyons va jusqu'au don total de soi-même pour ceux que l'on aime. Encourager le préservatif serait une façon de mettre des limites à l'amour, de tuer la confiance qui doit exister dans une relation qui va au bout d'elle-même ! "Je t'aime de toute mon âme, mais pas de tout mon corps... Et puis si tu me filais le SIDA ou si je tombais enceinte, ce serait le comble !" Clairement et sans ambiguité, l'Eglise met toute la force de ses convictions au service de l'amour vrai.
Une fois dit cela, il faut bien s'adresser à ceux qui n'ont pas un tel idéal, ceux qui visent l'idéal de l'Evangile mais qui n'arrivent pas à le vivre concrètement dans leur vie affective. Ce n'est pas le rôle du pape de donner des appréciations particulières : un discours qui s'adresse à tous les hommes de bonne volonté doit viser haut. Pour les autres, il me semble que le discours de l'Eglise doit, sans perdre de vue l'idéal que Jésus-Christ propose, s'adapter aux situations concrètes : et l'Eglise le fait dans le secret des confessionnaux, dans les partages d'équipes, dans les accompagnements spirituels. Tu dois bien prendre les mesures nécessaires pour te protéger ou pour ne pas contaminer ton partenaire si tu vis des relations superficielles, passagères, si tu trouves ta satisfaction en "tirant un coup" ici et là. C'est ton devoir, et c'est aussi l'Evangile.
Je ne suis pas le pape, mais je parle ici, je crois, au nom de l'Eglise, pas dans un magistère d'enseignement, et pas pour une population très diverse et générale, mais pour un lecteur, un bloggeur, toi qui lis ces lignes. Au nom de l'Eglise, je t'appelle à chercher dans les idéaux qu'elle propose un chemin de vie, sans jamais douter que la miséricorde de Dieu et le regard fraternel d'un prêtre, d'un ami croyant, de la communauté à laquelle tu appartiens sauront toujours accueillir ta pauvreté ! En tous les cas, si ce n'est pas une réalité, c'est un objectif, c'est le chemin de l'Eglise qui passe toujours par l'homme, et c'est dans cette perspective que je travaille et que je souhaite que l'Eglise avance !
Xavier Cormary, prêtre