3 suicides en 1 mois…
Cet été, j’ai été amené en quelques semaines à accompagner trois familles à l’occasion du suicide d’un de leur proche. La diversité des âges (27, 46 ou 82 ans), des situations familiales (célibataire, divorcé ou veuf) et des milieux sociaux me montre à quel point se révèlent de manière dramatique bien des fragilités humaines, familiales, physiques ou psychologiques.
Parler de suicide est un tabou. Faire face à un suicide est un drame insurmontable tant il peut susciter de culpabilités, de regrets, d’incompréhensions. Le suicide est tellement tabou qu’il est impossible, même sur des sites officiels, de trouver des chiffres ou des statistiques récentes… En 2012 (chiffres les plus récents que j’ai trouvé) une estimation assez floue indique autour de 10 000 suicides en France, 200 000 tentatives… S’il fallait oser une comparaison presque odieuse, les 3 645 morts sur les routes de France, la même année, ne font pas le poids.
Pourquoi donc le suicide est-il si tabou ?
Pourquoi donc est-il si peu médiatisé ?
Pourquoi personne n’évoque ce problème important dans notre beau pays de France ?
Il est aujourd’hui évident que les conditions de vie, le stress lié au travail ou au chômage, l’endettement, les fragilités psychologiques ou psychiatriques et que les problèmes affectifs (divorces, ruptures amoureuses…) sont des causes majeures. Et même, ô paradoxe, l’allongement de la vie favorise un climat suicidaire quand on devient dépendant. Jadis, l’Eglise refusait les obsèques religieuses aux personnes qui se donnaient la mort, manière sans doute maladroite et dérisoire de dissuader ceux des fidèles qui seraient tentés. Se taire peut-il régler le problème ou apporter une issue ? Un des proches d’une personne qui s’est donné la mort a même exigé que je n’évoque pas ce sujet au cours de ses obsèques.
Je suis convaincu autre paradoxe, que la foi, de plus en plus marginale, en une vie après la mort, est une raison de vivre ici bas. Je ne constate pas de suicides qui soient motivés par le désir de s’en aller vers Dieu, mais bien plus de situations où le suicide est une fuite de la vie présente marquée par des souffrances ou des fragilités devenues insupportables. Avoir la foi aide souvent à faire face aux défis de la vie, aux épreuves de l’existence. Rien n’est gagné, mais Dieu nous invite à affronter les problèmes. Sans foi, Dieu n’existe pas, et la vie est inéluctablement tournée vers une impasse. Alors, pourquoi attendre ? Les comportements suicidaires (alcool au volant, drogues ou risques divers) ne sont-ils pas aussi le symptôme d’une vie qui s’assèche inexorablement, sans que rien ne puisse la colmater ?
La société qui refuse de regarder la mort en face, la mort volontaire, la mort choisie, est coupable de non-assistance à personne vulnérables. Même quand les fragilités ne se voient pas. La société qui refuse de parler de la mort, se condamne à la subir tragiquement.
Parlons du suicide. Que tous ceux qui ont dû faire face à un drame si cruel osent donner leur témoignage. La mort fait mal, mais le silence peut tuer encore.