“Une famille amie m’a demandé de les accompagner au crématorium d’Albi où un grand-père allait être incinéré. J’ai cru devoir accepter étant donné mes liens personnels avec cette famille qui avait mal vécu le temps de crémation pour un décès précédent. J’ai trouvé au crématorium un personnel discret et disponible. Le temps de célébration -lecture d’évangile, prière, bénédiction,- en a été facilité. La famille avait préparé pour le temps de crémation qui a suivi, un diaporama. Il a permis aux proches de retrouver le grand-père à toutes les étapes de sa vie, de susciter un partage de souvenirs familiaux : une bonne initiative, me semble-t-il.
J’écris pourtant : « Attention », et cela pour quatre motifs.
Souvenir ? J’ai trouvé dans un courrier l’expérience suivante : « L’un de mes grands-parents a été incinéré. C’est clair que son souvenir s’efface sans qu’on puisse se raccrocher à quelque chose aujourd’hui. Il a fini par ne plus laisser aucune trace et on n’en parle déjà plus, alors que la mémoire de mon autre grand-père, enterré, est bien vivante et dignement évoquée dans la famille. » On a besoin d’un lieu de mémoire. N’est-ce pas d’ailleurs pour fixer le souvenir qu’a existé la pratique -aujourd’hui interdite- de conserver l’urne funéraire à la maison ?
Prix. On prétend que l’incinération serait moins onéreuse. Il faut pourtant tenir compte de tous les éléments. Le prix de l’incinération proprement dite est de 600 € environ, mais il y a d’autres frais : cercueil, frais de transport plus ou moins élevés selon les distances, frais au cimetière (columbarium ou placement dans un caveau de famille)... Trois sociétés de pompes funèbres m’ont affirmé que l’inhumation pouvait être moins onéreuse. Au milieu des bouleversements d’un deuil, on n’a guère le goût de demander des devis comparatifs. Mais comment y voir clair sans cette prudence ?
Hâte. Croyants ou non, on peut répugner à jeter "au feu" un corps que l’on a si souvent embrassé, une mère, un enfant. Il y a dans la crémation, une brutalité, une rapidité qui ne laisse pas le temps normal pour faire le deuil. Je ne peux juger des sentiments de ceux qui choisissent cette option, mais n’est-ce pas une manière d’occulter au plus vite la mort, ce tabou du monde actuel ?
Préférence. Jésus-Christ a été mis au tombeau, selon la pratique des Juifs. L’évangile nous parle du grain de blé tombé en terre qui germera. Cet exemple du Christ explique historiquement que la mise en terre ait progressé en Occident, au cours des siècles, avec l’évangélisation, alors que la crémation était une pratique païenne fréquente dans l’Antiquité. Par ailleurs, longtemps la crémation fut choisie pour contester la résurrection. Ce n’est plus guère le cas aujourd’hui et l’Église catholique accepte en conséquence de célébrer des obsèques religieuses avant crémation. Reste une préférence pour l’inhumation pour les motifs que j’ai essayé de résumer. On sait enfin que juifs et musulmans excluent toute crémation. À chacun de choisir en conscience.”
P. Claude Cugnasse
article paru dans Le Tarn Libre du 20 janvier 2012