Perdre la foi, comme si de rien n’était...
Lorsqu’on égare son portable ou ses clés, on s’en aperçoit très vite !
Il n’en est pas de même lorsque l’on perd la foi.
Confronté à la déchristianisation galopante de notre pays, engagé sur un terrain paroissial qui n’est ni pire, ni meilleur qu’ailleurs, je rencontre beaucoup de personnes sympathiques et bienveillantes, souriantes et serviables, qui se présentent comme « croyants non pratiquants » : attachées aux valeurs chrétiennes, sans pratiquer la religion dans ses rites. Mes propos sont une analyse froide et concrète de ce que je constate. Les remèdes et solutions à ces constats existent mais ils paraitront ringards et dépassés.
- Les « gens » ont reçu une éducation chrétienne, plus ou moins poussée. Beaucoup ont été rattachés à la foi juste par un rite (le baptême) qui leur donne une appartenance sociale. Ils ont été éduqués dans le respect des valeurs chrétiennes : solidarité ; amour du prochain ; comportements moraux. Mais la plupart n’ont jamais fait une expérience spirituelle qui leur fasse découvrir la foi comme une rencontre, une relation. Ils ont en main un catalogue de règles et de principes. Certains vivent de loin et très superficiellement quelques rites, mais c’est bien pour la forme : on ne va quand même pas enterrer le grand-père comme un chien !
- Le contexte social et culturel exècre la religion : comme un opium qui bride la liberté et empêcherait les initiatives et les choix personnels. La religion culpabilisante, moralisatrice, et obscurantiste doit être évacuée de la sphère publique.
- Les chrétiens qui avaient un minimum de vie spirituelle s’en détachent petit à petit sans en avoir l’air : les familles d’enfants catéchisés, qui venaient encore aux messes des familles, aux grandes fêtes religieuses s’en éloignent peu à peu : le caté devient socialement pour ces parents, un cours d’instruction morale et religieuse qui n’existe pas à l’école. L’éducation chrétienne n’est plus l’occasion possible d’une rencontre, mais la garantie théorique de rester un peu humaniste dans un monde inhumain.
- Un petit troupeau, tout petit, reste enraciné dans la foi en Jésus-Christ, et regarde, médusé et abasourdi, la négation de Dieu devenir la négation de l’Homme. Certains, dans ce troupeau, sont tentés par le communautarisme : repli identitaire ; peur du monde ; crispations idéologiques : le risque est de tomber dans un christianisme intransigeant. (Voir Fabrice Hadjadj : la Foi des Démons – Ed Salvator)
- La société occidentale, européenne, sans Dieu, regarde l’Eglise comme un bastion décalé, assiégé… Le pape est un vieux gourou périmé, l’Evangile est un message humaniste athée, les prêtres, de dangereux pédophiles célibataires qui comprennent rien de la vie, les églises sont des lieux culturels d’un passé lointain, et l’expérience mystique, une démarche individuelle inexplicable, à ranger dans un des rayons du supermarché des croyances.
- L’Eglise, dans cette société matérialiste, veut garder le cap de l’Evangile, au-delà des modes et des lois qui, sous des apparats séduisants, tuent la vraie liberté et la vérité de l’être humain. L’Eglise porte la Parole comme un chemin de bonheur, chemin d’humanité où Dieu est annoncé non comme un ennemi de l’Homme, mais comme Celui qui donne sens et profondeur à toute humanité vraie. Elle défend le migrant, dénonce le capitalisme et plaise pour une économie au service de l’Homme. Elle veut encore grandir dans la fidélité à son Seigneur. Elle doit s’ouvrir aux cultures et aux différences et accepter d’entrer en dialogue avec le monde, avec les religions, avec tous les hommes de bonne volonté.
- Tenir dans la foi, tenir la foi, c’est demeurer en Christ, par sa Parole, par sa Présence vivante, par son Pardon, et par le partage fraternel avec des « petits » frères capables de m’aider à vivre l’Evangile dans ce monde aimé de Dieu.
- Pour perdre la foi, c’est tout simple : abandonne l’Eglise, abandonne les sacrements, surtout la messe : pas tout d’un coup, mais petit à petit, espace ta pratique : une fois par mois ; puis les grandes fêtes, et après, juste des occasions ponctuelles… Et puis n’oublie pas d’éviter la confession : débile et ridicule d’aller vider ses poubelles devant un prêtre… Mets ta bible au placard, ou carrément au feu ! Laisse tomber la prière communautaire, le partage spirituel et fraternel, surtout aussi le service exigeant du pauvre, de celui qui va déranger tes habitudes et ton petit confort : garde juste un ou deux pauvres bien gentils pour avoir bonne conscience d’être quand même quelqu’un de respectable. Tu finiras bien aussi par perdre complètement le goût de la prière personnelle. Rassure-toi, il te restera, mais que pour quelques temps encore, la coquille vide des valeurs chrétiennes qui sera vite engloutie par le tsunami d’une société où le seul horizon est de jouir des plaisirs sensibles, tant qu’il est encore temps. Alors là tu pourras t’en donner à cœur joie : ripailler, picoler (surtout bien picoler !) baiser pour éventuellement faire un gosse, mais avec des sentiments ; faire la fête ; t’éclater avec tes potes, un petit joint pour être "in" ; chercher l’aventure ; entretenir ton corps, le faire tatouer ; parcourir le monde et si possible, gagner un max de fric : ça aide pour tout le reste !
Perdre la foi c’est facile, même sans s’en rendre compte !