La polémique et les discussions sur le « Mariage pour tous », drôle de formule quand on voit le contexte dans lequel s’inscrit ce débat, montre au moins une chose évidente : notre pays, la société française est profondément divisée. On pourrait s’arrêter aux 52 – 48 % de l’élection présidentielle de 2012, ou démontrer un clivage politique Droite/Gauche, voire caricaturer la chose en partageant les choses entre Progressistes/Conservateurs, mais les faits et les dernières prises de position inattendues de certaines personnalités, de certains mouvements, montrent des divisions bien plus subtiles bien plus profondes dans la société française.
En essayant de rester objectif, il est évident que l’enjeu du débat autour de l’institution républicaine du mariage, n’est pas lié à la reconnaissance de l’homosexualité. Il n’est même pas en soi, centré sur le mariage, qui n’est que l’expression de cet enjeu.
Le véritable enjeu, la question profonde qui est derrière les expressions parfois radicales qui s’expriment, est le « VIVRE ENSEMBLE » et le comment de ce Bien commun qui fait la nation. La démocratie règle par la majorité absolue les points qui doivent diviser un groupe. La minorité accepte de se plier aux règles édictées par la majorité. (On pourrait ici ouvrir le débat pour savoir si les 52 % de français qui ont voté Hollande sont favorables au mariage pour tous, et les électeurs de Sarkozy sont opposés, mais là n’est pas mon propos…)
Car c’est bien la conception même de la société, qui est l’enjeu véritable de ce débat.
Quelle société voulons-nous pour les années et les décennies à venir ? Que désirons-nous pour notre pays, pour nos familles, pour nous-mêmes dans un avenir incertain ?
La crise économique, les perspectives de récession, l’endettement semblent hypothéquer cet avenir. Dans un autre contexte économique, ce débat aurait-il eu lieu dans des conditions semblables, aussi passionnées ?
Il me semble que les partisans du mariage gay sont favorables à une liberté, à une égalité dans lesquelles les discriminations n’ont plus de place, où l’on ne juge pas les gens sur leur orientation sexuelle ou sur leur couleur de peau. Les désirs personnels, les projets d’avenir sont fondés sur l’individu, sur sa capacité réelle ou supposée d’assumer ses choix, de revendiquer un bien être personnel comme un droit. Les contraintes, les lois posées par la société dans son passé sont jugées comme étroites, ringardes, dépassées. Dans cette conception de la liberté, c’est l’adulte qui a droit de cité, s’il est majeur et en capacité de choisir sa vie. Le désir personnel est au dessus de toute considération éthique, philosophique ou religieuse. La fin justifie les moyens, et les moyens doivent être énoncés par la loi. La Gestation pour Autrui montre en outre que ce qui est possible doit devenir souhaitable, et même légal.
Les opposants au mariage gay, dont je fais partie, considèrent que le bien commun est au dessus des intérêts particuliers, et que ce bien commun n’est pas l’addition des intérêts particuliers, fussent-ils majoritaires. Ils enracinent leurs convictions sur l’idée que le passé, l’histoire n’a pas vocation à être balayée, au nom du « progrès ». Ils considèrent que cette loi, au-delà des enjeux légitimes qu’elle peut comporter, comme la reconnaissance et respect des personnes homosexuelles, légalise un individualisme mortel dans le champ social. Bien au-delà de la revendication immédiate du mariage, c’est la porte ouverte à toutes les revendications qui devient jurisprudence. C’est la loi du plus fort, l’adulte, sur le plus faible : l’enfant. Cet enfant devient l’objet de l’unique désir d’un adulte que la nature a condamné à la stérilité. Ces opposants là croient que ce qui est possible, ce que certains vivent, si ça doit être respecté, au nom des personnes, des enfants qui sont déjà concernés par l’homoparentalité, n’a pas à être érigé en modèle social, légal. Les conséquences d’un tel projet leur paraissent gravissimes, pas dans le court terme, mais dans la société qui construit l’humanité dans les siècles. Leur conscience est indignée par le subjectivisme lié à un contexte particulier, à un relativisme ambiant qui prétend que « tout se vaut ».
Deux conceptions de la société d’aujourd’hui et de demain s’affrontent, sur un sujet précis. Mais ce débat engage, au-delà de lui-même, me semble-t-il, des perspectives bien plus larges, bien plus durables. Le développement durable de la société est l’enjeu.
J’ose croire que la sagesse et le bon sens pourront apporter des solutions durables et réunir pour un "mieux vivre ensemble" tous ceux qui sont mobilisés, dans la rue, dans les hémicycles, dans les média, ou seulement interpellés dans leur conscience.