C’était notre pote, notre reuf ! Que de délires on a partagé avec lui !
Toujours partant pour faire la fête, toujours prêt à partir pour une nuit de délire !
Nous l’avions bien chambré l’an dernier quand il avait pris ce talus avec sa petite clio ! Il rigolait aussi d’avoir esclaffé sa Titine, sortant presque indemne de ce virage mal négocié… Son daron mécontent avait payé la note : 1200 € rien qu’en carrosserie !
Cette fois-ci, il a eu moins de chance : le platane ne l’a pas loupé !
Quand kéké m’a envoyé un Snap pour m’annoncer la nouvelle, je ne l’ai pas calculé : j’ai d’abord cru que c’était un délire ! Puis il a bien fallu que tous on réalise : notre Benjamin national, nous ne le verrions plus…
Une soirée bien arrosée… On l’a dissuadé de rentrer en Clio, mais il a insisté : il y avait que 3 kms pour rentrer et se pieuter… Il était comme ça Ben : impossible de le raisonner quand il avait décidé quelque chose !
Dans ce dernier virage, à 100 m de la maison, il roulait un peu vite, comme à son habitude.
Après l’effroi et la sidération, on s’est vite retrouvés, manière de parler et de se raconter les détails macabres de son exploit ! On a même bu un coup, en mémoire de Ben : si la tristesse est là, il faut bien résister : on se tape des barres : on sait qu’on y passera tous un de ces quatre !
On sait se rassurer, en se disant quand même, qu’il a vécu à fond, ses années de jeunesse !
On se rappelle en riant les courses et les raves, les teufs et les soirées à refaire le monde, enfumés au bédo jusqu’au petit matin, au squat derrière la gare.
Le jour de l’enterrement, on avait presque envie de sourire, presque fiers de Ben, un peu notre martyre ! Si on n’avait pas entendu les cris de sa daronne, et vu couler les larmes silencieuses de sa petite sœur, on aurait même fait une fête à la mémoire de notre frérot.
La vérité, c’est que, même si on rigole, on n’est vraiment pas fiers d’avoir perdu le Ben !
Ensemble on se change les idées en parlant des souvenirs qui nous ont fait kiffer. Mais seuls dans notre lit, le soir, on a le seum…
La vérité c’est que, pour fuir la réalité, pour éviter de trop nous remettre en cause, on a dit qu’il avait pris des risques inconsidérés : nous dirons que c’est la fatalité ou que c’est la « faute à pas de chance ». Nous chercherons une raison de croire que nous n’y sommes pour rien.
La vérité, c’est que, Ben est mort à cause de nous qui l’avons laissé faire, quand nous avons montré qui était le plus fort à faire un « binge drinking », qui roulait le plus vite sur la route du stade !
La vérité, c’est que ce n’est ni toi ni moi qui l’avons encouragé à rouler comme un fou dans sa petite Clio.
La vérité, c’est nous, ensemble, insouciants, irresponsables et jeunes, sans peur et sans reproche : oui c’est nous tous ENSEMBLE qui avons tué notre ami.
Quand on tient à quelqu’un, on le retient, de gré ou de force !