J’ai aujourd’hui le désir de vous partager un élément important de ma vie de prêtre. Il est parfois difficile d’en parler, souvent impossible de l’expliquer. Le célibat ! Beaucoup considèrent le célibat comme une amputation : peu de gens, même parmi les chrétiens, comprennent le sens du célibat sacerdotal. Je souhaite permettre, en toute simplicité et dans les liens d’amitié et d’affection qui nous unissent vous partager ce que je vis, comment je le vis, et pourquoi je le vis !
Quand je me suis engagé au célibat, officiellement le jour de mon ordination diaconale le 13 juin 1998, avec la préparation des années de séminaire qui y ont conduit, je ne me rendais pas vraiment compte de ce qu’on me demandait… Animé d’un désir de servir le Seigneur comme prêtre, j’ai accueilli le célibat comme une condition indispensable pour vivre le sacerdoce. A mon entrée au séminaire à 19 ans, puis comme diacre à 26 ans, et à 41 ans aujourd’hui, vous imaginez bien, que comme tout homme normalement constitué, vous êtes et restez traversé par des désirs, des passions, des pulsions…
Je n’ai jamais particulièrement été attiré par le fait de fonder une famille et d’avoir des enfants. Quelle belle mission, et quelle rude responsabilité que celle de donner la vie et d’éduquer un enfant ! Ma mission et mes responsabilités sont différentes, tout aussi rudes, mais bien conformes, me semble-t-il, à mon être intérieur !
C’est au fur et à mesure de mes années de sacerdoce, en faisant l’expérience des joies et des épreuves pastorales du prêtre que j’ai compris, que j’ai accueilli mon célibat COMME UN CADEAU DE L’EGLISE pour moi. Cette « loi » posée comme exigence préalable, m’est peu à peu apparue comme un moyen extraordinaire de faire de toute ma vie une offrande à Dieu le Père, en son Fils Jésus. Devenir un être sacerdotal, n’est-ce pas entrer dans cette offrande du Christ pour son peuple à Dieu son Père ?
Concrètement, il s’agit bien plus que d’une simple disponibilité totale ! Pas de femme, donc plus disponible !?? Il s’agit bien plus que de ne pas créer de relations privilégiées pour être « tout à tous »… Il s’agit bien plus que d’imiter le Christ dans sa vie terrestre : Jésus n’était pas marié !
Mon célibat aujourd’hui, vécu dans les pauvretés qui sont les miennes, et les fragilités de mon péché, il est d’abord le don que Dieu m’a fait à travers l’appel de l’Eglise, et c’est le cadeau que je fais à l’Eglise pour être jusqu’au plus intime de moi-même, une offrande utile et féconde pour le peuple de Dieu qui m’est confié.
Ce que j’offre dans mon célibat, à travers des désirs charnels, et au travers des besoins de tendresse qui restent sans réponse, à travers le besoin d’être aimé et écouté, accueilli avec ce que je porte au plus profond de moi, mon humanité, voilà ma vie ! Voilà mon sacerdoce. Etre prêtre, je l’ai compris au fil des ans, est un don total au Christ qui se réalise dans le don de ma vie aux personnes à qui il m’a confié, à ceux et celles qu’il me confie et qu’il met sur ma route pour que nous fassions un bout de chemin ensemble.
Je suis témoin, comme prêtre, confident, confesseur, de tant de joies et de drames humains. Il me semble que peu à peu, mon célibat me permet d’entrer dans l’humanité radieuse comme dans l’humanité douloureuse avec le cœur du Christ qui veut se faire chair dans le cœur de tout homme. Je partage souvent dans ma chair les douleurs de tant de cœurs, proches ou loin de Jésus, qui se perdent dans les nuits de ce monde.
Tant de joies que vous me partagez, tant d’épreuves et de questions que vous me confiez, vous et tous les autres qui ne liront pas ces lignes, qui ne comprendront pas mon sacerdoce, elles sont la matière même dans laquelle je puise l’énergie humaine pour répondre à l’appel divin.
Oui ce célibat, mon célibat de prêtre est jeté en pâture, raillé, piétiné par « le monde »… ça me fait mal… Mon célibat serait un fardeau dépassé, à réformer, à oublier. Pour être tendance, il faudrait « se marier » à l’heure où le mariage perd son sens ? Mon célibat est parfois une croix, une épreuve et un fardeau. Il perd son sens face à de l’indifférence ou de la critique méprisante. Il trouve son sens dans la foi et la confiance de ceux qui découvrent en moi un homme, un pauvre humain, blessé et souvent indigne de sa mission, mais un homme qui essaye de se laisser conduire par l’Esprit de Dieu.
Pour m’aimer, je vous demande d’aimer ce célibat avec moi qui est un appel auquel je crois de tout mon cœur.
Mon célibat, c’est votre vie !