L’Evangile est Parole de vie : au cours des siècles, quand les hommes ont accueilli ce message et ont essayé de le vivre en vérité, l’humanité a grandi. Quand les hommes se sont détournés de ce message et du chemin que propose Jésus, la haine, la peur et l’injustice ont eu le dessus. L’homme est divin, parce que l’homme est à l’image de Dieu : les hommes cherchent sans cesse un Dieu qui leur ressemble, alors que ce sont eux qui Lui ressemblent.
Je crois en la grandeur de l’Homme, de TOUT homme, capable de semer le meilleur de lui-même dans ce monde en quête de lumière. Mais je vois, je sais aussi que l’Homme est capable du pire pour la gloire, pour la puissance et pour les honneurs. Personne n’est jamais exempt de ces risques, pas même moi, pas même l’Eglise qui, au long des siècles, a parfois renié l’Evangile pour ces mêmes motifs.
Pour moi l’Evangile est d’abord un chemin d’humanité, dans lequel je dois trouver, non pas des idées ou des convictions qui vont me séparer ou faire rejeter les autres, ceux qui sont différents, ceux qui n’ont pas les mêmes valeurs, mais qui peut m’apprendre à les accueillir, à les respecter. Dur et long chemin : comment en effet être convaincu d’une chose, et respecter le contraire dans la vie de ceux qui sont en face ou à côté de moi ? Justement, l’Evangile n’est-il pas ce chemin qui est loin de moi parce qu’il est chemin de Dieu ? Je dois me décentrer de moi-même, oublier ce qui fait ma vie et ma foi si je veux vraiment accueillir l’Evangile, suivre le Christ qui a renoncé à lui-même pour rejoindre les pécheurs que nous sommes !
Etre chrétien, c’est suivre le Christ jusqu’à l’extrême, suivre le Christ sur son chemin de croix où cette croix imprime en moi la marque d’un amour qui va au-delà du raisonnable, au-delà du visible et du possible : « rien n’est impossible à Dieu ! » Les plus grands miracles, je le crois, ne sont pas ceux qui font se lever un paralysé ou guérir un malade incurable ! Le plus grand, le plus vrai miracle, c’est quand l’amour de Dieu est capable de faire se rencontrer les contraires, les opposés.
Etre prêtre, pourquoi, pour qui ?
Ma mission de prêtre consiste uniquement à faire un lien. Construire un lien entre les hommes et Dieu, entre Dieu et les hommes.
Tout être humain est programmé pour le bonheur. Ce que nous vivons, les choix que nous faisons, les orientations que tous, nous donnons à notre existence, sont pour répondre à notre soif de bonheur. Personne ne va agir librement, volontairement, consciemment et lucidement à l’encontre de son bonheur. Même le suicide, même la prise de drogue répondent à cette soif immense de bonheur, qui hélas se fourvoie dans des chemins sans issue. L’être humain est en attente de bonheur, mais il est clair, rien qu’à regarder le monde, hier et aujourd’hui, que l’homme cherche son bonheur dans une réponse qui lui soit personnelle, individuelle. Naturellement, l’Homme pense que son bonheur est en lui-même, qu’il est capable par lui-même d’atteindre ce nirvana.
L’Evangile affirme exactement le contraire : ton bonheur est en l’autre, dans l’amour du prochain, dans le pardon, dans la vie donnée à l’autre. Ton bonheur est en Dieu qui répondra à ta soif d’infini, d’éternité.
Etre prêtre, c’est répondre à cet appel afin que les hommes s’appuient d’abord les uns sur les autres pour vivre et chercher ce bonheur qui semble si inaccessible. Et le seul moyen d’être crédible, c’est de prendre soi-même ce chemin-là, de manière volontaire, décidée, cohérente. Mon engagement est là : donner ma vie pour les autres, pour le monde, quand il n’en a rien à faire, quand il est indifférent ; voilà mon chemin de crédibilité pour faire comprendre cette réalité : tout seul, dans ton coin t’es foutu ! Tu te perds, tu te damnes dans des bonheurs imaginaires. Cela m’engage en urgence à tendre la main, à ouvrir mon cœur, à chercher à comprendre avant de juger, à soutenir avant de rejeter, à donner avant de recevoir. Tous mes engagements humains prennent leur sens là.
Bien sûr, je pense que cela n’est possible qu’appuyé sur un amour et une Parole qui donne crédit à cette orientation : pour lutter contre le « chacun pour soi » et l’indifférence, il faut être bien armé ! Le message de Jésus qui annonce un Dieu qui se fait proche, qui fait toujours le premier pas, qui chemine à notre rythme sur les routes humaines, me semble crédible parce qu’il est profondément contraire à la tendance naturelle de l’homme : en ce sens il est « surnaturel ». Je fais confiance à ce message, au Christ parce qu’il propose quelque chose de difficile, qui raisonne en moi comme un désir, mais un désir qui fait peur, qui est presque redoutable parce qu’il m’appelle à un dépassement.
Faire se rencontrer l’appel de Dieu et le désir de l’homme, faire retentir dans le « cœur de Dieu » les aspirations humaines les plus grandes et les plus belles, sans oublier, la réalité et les limites des hommes, en commençant par les miennes.