On soupçonne encore les chrétiens de vouloir imposer leurs idées à la société toute entière : s’ils dénoncent certaines lois, les chrétiens annoncent d’abord et surtout, en s’appuyant sur l’Evangile, la dignité et le respect dû à toute personne : le migrant, l’étranger, comme la personne handicapée ou en fin de vie. Du coup, tous les moyens sont bons pour les réduire au silence : moqueries et vexations, embargo médiatique sauf pour les ignobles scandales ou les affaires qui salissent ou embarrassent l’Eglise ou les chrétiens… Il est clair que la foi ne rend personne irréprochable.
Il est révolu le temps où l’Eglise, avec un discours péremptoire et dogmatique, essayait d’imposer sa pensée, sous peine d’excommunication ou de bûcher pour les contestataires ou les opposants. En ce sens, la laïcité qui respecte la liberté de conscience, « garantit le libre exercice des cultes » mais qui «ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte » est une bonne chose, une très bonne chose.
Or le problème est bien aujourd’hui plus que jamais la liberté de conscience en matière religieuse :
- Pourquoi le fait de communiquer, de donner une simple information, dans les journaux, dans les lycées ou sur des panneaux municipaux est devenu tabou ? Aujourd’hui, annoncer dans l’espace public une fête paroissiale, une conférence biblique ou informer les élèves d’un lycée qu’il existe une aumônerie est devenu impossible « au nom de la laïcité ». On nous laisse encore le droit d’apposer des affiches aux portes des églises : ouf !
- Oui c’est vrai : le prosélytisme des chrétiens d’hier a semé la suspicion et suscite la méfiance aujourd’hui. Mais la laïcité athée et a-religieuse n’a rien à voir avec la laïcité de la République française.
Pourquoi les chrétiens devraient-ils être considérés comme des sous-citoyens, dans la République laïque ? Le mot « religion » serait-il considéré comme tabou et offensant pour les non-croyants ?
Comme chrétien, je ne demande pas plus que ce que la loi républicaine exige. Mais je n’en demande pas moins. La censure de toute initiative ou proposition religieuse peut-elle servir le « vivre ensemble » républicain, si cher à nos gouvernants ?
Bannir la prosélytisme et toute forme de doctrine religieuse intégriste qui voudrait s’imposer à la nation est un devoir de la République : refuser l’hégémonie a-religieuse est, de la même manière, une exigence de l’état laïc qui garantit la liberté de conscience.
En conclusion, je ne peux, au nom de l’Evangile, que m'engager à respecter et écouter ceux qui ne partagent pas les mêmes opinions, les mêmes convictions que moi. Mais ai-je le droit d’espérer qu’ils en fassent de même ? Albert Camus, qu’on ne peut pas soupçonner de complaisance religieuse, écrivait dans ses écrits politiques : « Je n’essaierai pas de modifier rien de ce que je pense, ni rien de ce que vous pensez (pour autant que je puisse en juger) afin d’obtenir une conciliation qui nous serait agréable à tous. Au contraire, ce que j’ai envie de vous dire aujourd’hui, c’est que le monde a besoin de vrai dialogue, que le contraire du dialogue est aussi bien le mensonge que le silence, et qu’il n’y a donc de dialogue possible qu’entre des gens qui restent ce qu’ils sont et qui parlent vrai. »