Un message reçu d'un paroissien : ça a le mérite de redire aux prêtres le sens de leur mission, dans leur manière de célébrer l'Eucharistie...
Monsieur l’abbé,
Si je me permets humblement de vous envoyer cette lettre, c’est d’abord parce que je souffre intérieurement : j’ai mal à ma foi… Je suis un catholique pratiquant, j’aime vivre et prier à chaque eucharistie et j’essaye d’y participer le plus régulièrement possible, parfois même en semaine. Que la messe soit solennelle pour une fête, ou simple et sobre durant la semaine, je sais, je crois que c’est le même mystère qui s’accomplit devant mes yeux pour moi et pour le Salut du monde.
Mais voilà, en tant que prêtre, vous êtes un instrument, un médiateur entre Dieu et son peuple. La grandeur de votre vie, ce n’est pas vous, c’est votre sacerdoce qui vous donne d’agir in persona Christi dans la liturgie : « Prenez, ceci est mon Corps, livré pour vous ! » Et ma souffrance, ma tristesse, mon cœur qui pleure, trouvent leur origine dans votre manière, la manière de beaucoup de prêtres de célébrer l’Eucharistie…
Frères prêtres : croyez-vous dans le mystère que vous célébrez ? Pensez-vous un peu à ce que vous dites, à ce que vous faites dans la liturgie ? Certes, nul prêtre n’est assez digne de célébrer l’Eucharistie et de tenir entre ses mains le Corps précieux de Jésus notre Sauveur … Aucun prêtre ne peut chaque jour célébrer avec la même foi et la même intensité, mais, tout de même …
En toute simplicité et humilité, en vous demandant pardon si mes propos venaient blesser votre âme de pasteur, je voudrais vous exprimer mon ressenti.
- Pourquoi êtes-vous parfois si négligé dans votre tenue pour la célébration de l’Eucharistie ? Une aube sale, trop courte, une étole mal arrangée…
- Ne pouvez-vous pas regarder l’assemblée à qui vous vous adressez quand vous dites « Le Seigneur soit avec vous » au lieu d’avoir le nez dans votre « Prions en Eglise »… Pire que ça, vous nous invitez à prier ensemble en furetant les pages du missel : ça ne m’aide pas pour le recueillement …
- Pourquoi écarquiller les yeux à déchiffrer les prières dans ce « missel » jetable, alors que le Missel romain vous offre une lecture plus aisée ?
- Pourquoi nous refuser quelques instants de silence avant le « Je confesse » ou après nous avoir invités à « prier ensemble le Seigneur » ? Le silence est vraiment pour moi, le vêtement de la prière !
- La Parole de Dieu proclamée ne s’adresse-t-elle pas aussi à vous ? Même préoccupé par votre homélie, vous devriez en profiter un peu pour vous-même au lieu d’être parfois bien loin d’accueillir cette parole.
- La profondeur de vos gestes, la dignité de votre attitude est un formidable tremplin pour nous aider à prier : n’en doutez pas, soyez-en convaincu !
- La présentation des dons, c’est l’offrande de tout le peuple. Même accompli à voix basse, portez-nous sur votre patène, et dans ce calice, qu’on sache, qu’on sente que l’on est présent dans vos mains qui se tournent vers Dieu…
- Par pitié, laissez-nous juste quelques secondes, adorer en silence le Corps de Jésus et son Sang précieux, en renonçant à ces élévations furtives et éphémères… Entourez de délicatesse ce précieux Saint-Sacrement afin qu’on voie combien vous savez que c’est Jésus qui est là sur cet autel et qui se donne à nous pour nous sauver…
- Laissez- nous un peu de temps dans la liturgie eucharistique pour prier pour le pape, pour notre évêque, et même pour nos frères et sœurs défunts : comment voulez-vous qu’on prie réellement si ces intercessions sont proclamées au rythme TGV !??
- Quand vous nous donnez la communion, regardez-nous, souriez-nous avec un visage miséricordieux, paisible et bienveillant, et donnez-nous Jésus, comme si ce moment était unique entre Lui et moi… C’est parfois une distribution anonyme et profane…
- Après être monté à l’autel pour être cet « autre Christ » dans la célébration, à la fin, ne vous enfuyez pas dans votre sacristie, loin du peuple de Dieu ! S’il vous plait, venez rencontrer les chrétiens, les saluer et les encourager jusque sur le parvis de l’Eglise ! Envoyés dans le monde, ne pensez pas que ça soit facile pour nous de repartir pour témoigner du Ressuscité !
Pardonnez-moi, je vous prie, cette audacieuse et dérangeante lettre. Elle n’a pas pour objectif de remettre en cause votre ministère mais de vous exprimer ce qui m’aiderait, et beaucoup d’autres chrétiens, peut-être, à grandir dans la foi.
J.G. (paroissien quadragénaire)