Homélie du 19° Dimanche B : « Liberté de conscience et Bien commun »
Dimanche 8 août 2021
A force d’écouter les experts qui se succèdent dans les médias et qui disent tout ou son contraire, j’avoue qu’il est difficile de trouver une réponse : vaccination ou pas vaccination ? pour ou contre le pass sanitaire ?
Notre pays est au bord d’une fracture qui va faire des dégâts durables …
Pierre, Paul Jacques, le professeur Machin, … Le docteur Truc… Le ministre... Qui dois-je écouter ?
« N’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, » (Ephésiens 4, 30)
Dans l’Evangile de Jean, Jésus cite les prophètes pour affirmer : « Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. » (Jean 6, 45)
Si je suis chrétien, pourquoi est-ce que je ne cherche pas d’abord à écouter l’Esprit-Saint ?
Le concile Vatican II a mis en avant que la conscience de chaque personne « le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où Sa voix se fait entendre ». Ecouter la voix de notre conscience éclairée, c’est écouter Dieu !
Mais attention ! Si souvent, nous pouvons nous faire illusion, en écoutant nos désirs, nos penchants naturels, ou nos envies, qui vont en général dans le sens de la facilité, de la médiocrité, de la pensée du plus grand nombre ! La voix de notre conscience a besoin d’être éclairée, affinée, réfléchie. Il s’agit donc de bien discerner ce que dit cette voix intérieure pour ne pas prendre ses propres désirs pour ceux de Dieu !
Et notre conscience éclairée ne peut nous engager que dans la direction du Bien, du bien commun, du Bon et du Vrai, sinon il est fort probable que nous nous soyons égarés en cours de route !
Il y a des choix qui ne demandent pas grande réflexion car ils relèvent d’une évidence ! « Tu ne tueras pas » quoi que la légitime défense vienne déjà perturber le côté absolu de ce commandement. Il y a des choix moraux qui sont beaucoup plus délicats : les enjeux immédiats ou les conséquences à long terme sont bien plus graves !
Les questions liées à la pandémie COVID autour du pass sanitaire et de la vaccination qui occupent tous nos média depuis plusieurs semaines relèvent, à mon sens, d’un cas de conscience !
Il ne suffit pas de dire : « je suis pour ! Je suis contre ! » Il faut mesurer l’importance de notre choix et l’engagement avec ses conséquences personnelles et communautaires ! Il faut prendre en compte toutes les dimensions en essayant de s’informer au plus juste pour trier le faux du vrai dans le tsunami d’informations et de témoignages que nous entendons.
« Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. » (Ephésiens 4)
Voilà une question qui pourra nous aider à agir de la sorte : « Si Jésus était là, que ferait-il, comment agirait-il à ma place ? »
PERSONNE, ni un prêtre, ni un pape, ni un médecin, a fortiori, un homme politique n’a le droit de se substituer à la conscience humaine ! Mon devoir de curé est de contribuer à éclairer les consciences. Comme les médecins, les experts. Un chrétien s’appuie volontiers sur la Parole de Dieu et sur l’enseignement du Magistère de l’Eglise pour sa réflexion et son discernement.
L’objection de conscience est un droit fondamental. La liberté de conscience est un acquis du Concile Vatican II : c’est un absolu à ne jamais piétiner, ni par des parents vis-à-vis de leurs enfants, ni par un Etat vis-à-vis de ses citoyens ! Violer la conscience de la personne humaine ne peut conduire, tôt ou tard, qu’à la ruine, à la guerre civile, à la révolte !
Que Dieu nous garde humbles et lucides face à la nature, face aux événements. Que Dieu donne sagesse et discernement à nos gouvernants pour décider et œuvrer en faveur du Bien commun sans piétiner le sanctuaire de la conscience humaine. Amen
Xavier Cormary
Curé de la paroisse St François & Ste Claire en Ségala
Quelques textes pour prolonger la réflexion
Constitution dogmatique du concile Vatican II Gaudium et Spes §16 ( 7 décembre 1965)
Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela. » Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où Sa voix se fait entendre. C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain17. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulève aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité. Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on ne peut dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle.
Pie XII : extrait d’un discours à la jeunesse féminine catholique 18 avril 1952
« Le chrétien, pour sa part, doit assumer la grave et grande fonction de faire valoir dans sa vie personnelle, dans sa vie professionnelle, et dans la vie sociale et publique, autant qu'il dépend de lui, la vérité, l'esprit et la loi du Christ. C'est cela la morale catholique, et elle laisse un vaste champ libre à l'initiative et à la responsabilité personnelle du chrétien. »
Saint Thomas, Somme théologique, volume 3
Parce que les actes humains pour lesquels on établit des lois consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l'infini, il a toujours été impossible d'instituer une règle légale qui ne serait jamais en défaut. Mais les législateurs, attentifs à ce qui se produit le plus souvent, ont établi des lois en ce sens. Cependant, en certains cas, les observer va contre l'égalité de la justice, et contre le bien commun, visés par la loi. Ainsi, la loi statue que les dépôts doivent être rendus, parce que cela est juste dans la plupart des cas. Il arrive pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un fou a mis une épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu'un réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas et d'autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie ; le bien est, en négligeant la lettre de la loi, d'obéir aux exigences de la justice et du bien public. C'est à cela que sert l'équité. Aussi est-il clair que l'équité est une vertu. L'équité ne se détourne pas purement et simplement de ce qui est juste, mais de la justice déterminée par la loi. Et même, quand il le faut, elle ne s'oppose pas à la sévérité qui est fidèle à l'exigence de la loi ; ce qui est condamnable, c'est de suivre la loi à la lettre quand il ne le faut pas. Aussi est-il dit dans le Code [Code publié par Justinien en 529] : « II n'y a pas de doute qu'on pèche contre la loi si, en s'attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur ». II juge de la loi celui qui dit qu'elle est mal faite. Mais celui qui dit que dans tel cas il ne faut pas suivre la loi à la lettre, ne juge pas de la loi, mais d'un cas déterminé qui se présente.
La Loi de gradualité
Cette notion apparut au synode de 1980 sur la famille et dans l’exhortation apostolique Familiaris consortio qui le suivit en 1981. Cette loi de gradualité désigne en fait un « cheminement pédagogique de croissance incontournable pour les êtres insérés dans le temps que nous sommes » (Familiaris consortio n° 9). « L’homme (...) est un être situé dans l’histoire. Jour après jour il se construit par ses choix nombreux et libres. Ainsi il connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance. » (Familiaris consortio n° 34).
En clair, cela signifie que nul n’est tenu d’appliquer immédiatement et dans son intégralité l’idéal moral proposé et par l’Eglise, que ce soit en matière de sexualité, de comportements dans la société, dans la vie spirituelle, s’il se juge incapable de la respecter ici et maintenant. L’important, dans ce cas, est de reconnaître la valeur de cet idéal, de vouloir la vivre pleinement le plus tôt possible, et de prendre les moyens concrets naturels et surnaturels pour s’en rapprocher. L’exigence de la loi de gradualité est forte : elle suppose que la personne, dans les actes qu’elle pose, reste ouverte à la possibilité de faire le bien visé par l’Église.
Si donc l’application immédiate de la lettre de l’idéal n’est pas toujours exigée, par contre, la tension vers celle-ci l’est. Car, selon une formule célèbre, la loi de gradualité ne signifie pas la gradualité de la loi. La loi morale est la même pour tous !