Liberté, Egalité, Fraternité
L’Eglise a souvent reconnu comme saints des hommes et des femmes qui ont mis au-dessus de tout la FRATERNITÉ comme étendard. Charles de Foucauld ou François d’Assise. Thérèse de Lisieux :
un saint non-fraternel, ça n’existe pas !
« Une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. »
Dans le confinement, nos libertés individuelles sont limitées. C’est un enjeu de santé publique, bien mieux, c’est un enjeu de fraternité vis-à-vis des plus fragiles, vis-à-vis des soignants, vis-à-vis de chacun de nos concitoyens. Chacun accepte pour le Bien commun de rester chez soi, de porter un masque ou de se laver les mains 30 fois par jour.
Le drame qui s’est produit jeudi à Nice procède d’un ennemi que personne ne peut débusquer. Qu’est-ce qui empêche dans cette église que quelqu’un entre et abatte plusieurs d’entre nous ? C’est sa liberté ?! De quelle liberté parlons-nous ? Une liberté qui empêche l’autre d’exister. Une liberté sans fraternité. Une liberté fratricide !
Dans l’espace public, il semble devenu obligatoire de pouvoir s’exprimer librement, sans entrave et sans limite, sinon celle de la diffamation de l’atteinte à la vie privée, ou incitation à la haine ou à la discrimination. Notre liberté serait alors légale et illimitée, quitte à offenser, à outrager et à piétiner la fraternité... ?
Cette fraternité, elle vient en 3° position dans la devise républicaine. Pourtant, elle devrait être le socle et le fondement, le pivot de tout l’édifice républicain. Elle devrait être première !
Les Béatitudes de Jésus nous parlent d’humilité, de douceur, de miséricorde, de pureté du cœur, des artisans de paix. Est-ce encore audible et compréhensible pour ceux qui croient, mais aussi pour ceux qui ne croient pas ? Quels chemins pour cultiver le « vivre ensemble » ?
« Il y a des croyants qui pensent que leur grandeur réside dans l'imposition de leurs idéologies aux autres ou dans la défense violente de la vérité ou encore dans de grandes manifestations de force. Nous, croyants, nous devons tous le reconnaître : l'amour passe en premier ; ce qui ne doit jamais être mis en danger, c'est l'amour ; le plus grand danger c'est de ne pas aimer. » (Encyclique Fratelli tutti § 92) Le pape François nous rappelle qu’au-dessus du droit inaliénable à la liberté, celle qu’on veut imposer ou juste proposer, il existe un devoir de fraternité.
En langage chrétien, on parlera d’amour, de caritas, de charité. En langage républicain, on parlera de fraternité.
« Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. »
Est-ce fraternel de se moquer ? Est-ce fraternel d’outrager ? Est-ce fraternel de piétiner les valeurs des autres, même pour rigoler ou provoquer ? Dans un autre registre : est-ce fraternel de se dispenser de masque dans un lieu public ? Aucun comportement désinvolte ne favorise la compréhension et l’amitié sociale. Aucune moquerie, ni aucun blasphème ne peut justifier et rendre acceptable ou même excusable la violence et la haine, mais est-ce qu’elles ne s’expliquent pas par un sentiment d’humiliation éprouvé par certaines personnes, fussent-elles tordues ou fanatiques ?
Une liberté, une société sans fraternité se condamne elle-même à la violence et à la haine. Ça me parait tellement du bon sens ! Refuser d’entendre que la liberté individuelle des uns puisse toucher et blesser l’âme des autres, connus ou inconnus, c’est prendre le risque d’exacerber les rancœurs et les délires mystiques des fanatiques ou des gens simples qui refusent l’humour outrancier. Et puis, ce qui est acceptable en France, est-ce compréhensible à l’autre bout du monde ?
On ne pourra pas sortir grandis des épreuves que nous traversons si on crucifie la fraternité sur l’autel de la liberté. La Liberté doit être universelle, mais la fraternité doit l'être encore davantage ! Et comme le dit si bien Mohammed MOUSSAOUI, président du Conseil Français du Culte Musulman : « Notre attachement à la liberté d’expression doit sans cesse rechercher l’esprit de fraternité. »
Et si l’autre nom de la sainteté, c’était la Fraternité ?
Xavier Cormary, prêtre en Ségala